Angkor Wat, deux jours de visites parmi les joyaux khmers

IMG_6441Les temples du site d’Angkor, près de Siem Reap, sont connus dans le monde entier et appartiennent au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Angkor Wat est le plus célèbre d’entre eux mais ils se comptent en réalité par centaines. Ils datent pour la plupart du IX au XII ème siècles et ont toujours été, au moins pour certains d’entre eux, des lieux de culte même après le déclin de la civilisation khmère à partir du XIV ème.

Le site d’Angkor ne sera dévoilé en occident qu’à partir du XIXème, grâce au travail du botaniste Henri Mouhot qui explora le Cambodge de 1858 à 1861. Dans ses carnets, il raconte son voyage, ses découvertes et ses dessins alimentent le mythe d’Angkor auprès des voyageurs de l’époque. Bien entendu, le site aujourd’hui est très différent de ce qu’ont vu les premiers découvreurs car il est aménagé pour le public, des routes goudronnées les relient les uns aux autres et La Conservation d’Angkor a organisé deux circuits qui permettent aux touristes contemporains de visiter les principaux temples de manière un peu organisée. Les expéditions de plusieurs jours dans la jungle ne sont plus nécessaires pour mériter cet extraordinaire spectacle. Des millions de personnes se rendent ici chaque année afin de s’émerveiller devant Angkor Wat, le principal temple du site.

Le pass 1 jour coûte 20 USD, celui de 3 jours coûte 40 USD. Le pass 3 jours est valable 7 jours et il est ainsi possible d’alterner les visites des temples avec d’autres activités sur Siem Reap. L’entrée du site se situe à 8 kilomètres de la ville et le moyen de transport le plus usité est le tuk-tuk; bien que la location de vélo soit aussi très prisée et nettement plus économique. Nous avons négocié le prix du tuk-tuk pour deux jours directement auprès de notre hôtel. Pendant deux jours, le chauffeur vient nous chercher à l’hôtel à l’heure désirée et nous conduit sur le site, de temples en temples, tout au long de la journée; le lever du soleil sur Angkor Wat le second jour et l’eau fraîche sont compris. Nous avons payé 33 USD au total, sachant que nous avons pu moduler nos journées à notre guise (détail plus loin). Pour trois jours de transport il faut généralement compter 53 USD, mais c’est négociable à 45 USD… Il est aussi possible de choisir un guide francophone pour nous accompagner, ce qui coûte 30 USD supplémentaires par jour. Passionnant selon ceux qui ont expérimenté cette formule, nous nous contenterons des guides et informations recueillies auparavant et nous décidons de faire les visites par nos propres moyens.

Ces deux derniers jours, nous avons parcourus plus d’une dizaine de temples, en famille, et Didier a fêté ses 42 ans au sein des décors sublimes de ces cathédrales « végéto-minérales ». 

IMG_6180Le premier jour, anniversaire de Didier: La grande boucle.

Les chauffeurs proposent tous de partir à la découverte de la grande boucle le premier jour, vers 9h30 ou 10h00. Nous avons demandé à partir à la fraîche, à 7h00 du matin et nous avons bien fait! Nous étions seuls ou quasiment seuls dans ces somptueux décors! Pas de touriste, pas de foule, les sites pour nous tout seuls, égoïstement… C’était magique!

La grande boucle est plus longue que la petite mais la visite ne prend pas plus de temps car les temples y sont moins nombreux.

Dès le départ, la magie opère, avec une arrivée aux premières heures de la journée au Preah Khan, qui fut une antique cité disparue de plus de 50 hectares, entourée de douves. L’arrivée est splendide, dans l’allée bordée par la scène du barattage de la mer de lait, à l’origine du nectar d’immortalité… tout un programme! Personne, ni devant, ni derrière nous: la solitude et le silence en ces lieux chargés d’histoire est un luxe que nous savourons pleinement! C’est extraordinaire! Le silence… j’exagère un peu, car l’atmosphère étrange et fantasmagorique qui règne ici est encore majorée par les bruits de la forêt, le chant des oiseaux, les cris des singes et des craquements, bruissements végétaux un peu inquiétants… Nous pénétrons dans l’enceinte même du temple où la végétation a repris ses droits depuis très longtemps.

Des avalanches minérales vertes de mousse nous encerclent, des fromagers géants s’approprient ces basiliques de pierre fantomatiques, laissant aux Coloriés que nous sommes la douce sensation d’être un peu nous aussi des découvreurs de cette lutte entre la nature et l’oeuvre humaine. Nous sommes un peu des aventuriers, Arthur se prend au jeu très vite, court à travers ce dédale labyrinthique, partant en quête d’un trésor, qu’il a en réalité déjà devant le yeux… Preah Khan nous envoûte, nous pourrions rester là des heures, nous sommes conquis!

Neak Pean, quant à lui, est surprenant car il se situe au milieu d’un immense bassin. On le rejoint donc grâce à une étroite passerelle de bois, au ras de l’eau, longue de plus de 100 mètres. De chaque côté des fleurs de lotus semblent nous accueillir. Une fois sur l’île, un tout petit sanctuaire est protégé par quatre bassins carrés. Les animaux mythologiques sculptés sur le temple invitent à la contemplation. Une jolie lumière irradie l’ensemble. Cependant, il est dommage de ne pas pouvoir en faire le tour complet.L’eau du bassin central est considérée comme sacrée.

Le Ta Som est tout petit mais charmant; la forêt l’entoure généreusement et il est réputé pour la porte de l’entrée ouest, où sont sculptées des visages sereins représentatifs de cette époque. A l’est, la porte est envahit par un gros banyan. La grande boucle se termine par le Mébon oriental et le Pre Rup, moins spectaculaires.

Nos deux coups de cœur de la matinée sont incontestablement Le Peah Khan et le Neak Pean.

Puis, pour l’anniversaire de Didier, nous mangeons français, et même pire: breton! Nous recommandons vivement la crêperie bretonne de Siem Reap, The Lane, dans le vieux marché.

IMG_6696Le second jour, aujourd’hui, 1er décembre 2014: La petite boucle avec le lever du soleil sur Angkor Wat.

Le départ pour la petite boucle a lieu vers 4h45: la vie de tourdumondistes n’est pas  toujours de tout repos! Dur dur le réveil ce matin… Mais le jeu en vaudra la chandelle, nous l’espérons!

En tuk-tuk dans les rues de Siem Reap la nuit, c’est une balade originale. Il fait déjà très chaud et les enfants ne sont pas bien réveillés… Chloé se réveille tout doucement, encore emmitouflée dans sa bulle musicale, écouteurs bien en place sur ses oreilles; Arthur a emporté son doudou avec lui, il finit sa nuit la tête sur mes genoux.

Notre très gentil chauffeur nous dépose au pied d’Angkor Wat « en pierresonne ». Comme nous marchons sur les traces de nos amis Cédric, Aléxia et Adrien qui sont passés par là il y a quelques jours, nous suivons leur conseil avisé: Juste avant le pont, nous passons à gauche, entre les najas pour nous installer au bord du bassin, face au temple dans son intégralité. Il est 5h00. Nous sommes les seuls et nous regardons pendant près d’une heure des dizaines de milliers de personnes, formant une véritable marée humaine, s’engouffrer à l’intérieur de l’enceinte mythique, dans un flux ininterrompu. Peu avant 6h00, nous sommes rejoints par un couple et par un moine. Voilà, nous serons sept à regarder le lever du soleil sur Angkor Wat de ce point de vue sublime. C’est un moment unique et j’explique aux enfants qu’ils vivent des instants précieux.

Le souci, une fois le jour venu, c’est qu’il faut théoriquement entrer à l’intérieur du monstre sacré et s’incorporer à la foule qu’il digère depuis l’aube. L’envie nous manque, nous décidons de retourner sur le parking afin de retrouver notre tuk-tuk, parmi des centaines d’autres… car nous souhaitons finalement partir visiter maintenant le second temple de la petite boucle, Angkor Thom.

L’astuce nous a été donnée hier par le très sympathique patron de la Crêperie Bretonne (The Lane, 10, old market, Siem Reap) où nous avons fêté l’anniversaire de Didier autour de galettes savoureuses! C’est un passionné du site, qu’il a visité la première fois en 1992, dès l’ouverture au grand public. Son conseil, à la hauteur de la cuisine, est excellent!

Laissant la foule s’agglutiner là, notre chauffeur (qui nous a repéré avant que nous le retrouvions!) nous emmène vers Angkor Thom, où nous sommes seuls, seuls, seuls, incroyablement seuls! L’arrivée est délicieuse, aux premières heures de la journée, par la porte sud et son arche majestueuse immense. A son sommet, le célèbrissime personnage aux quatre visages . Au delà de la porte, deux rangées de géants soutenant chacun le naja sacré à sept têtes, il s’agit encore de la scène du barattage de la mer de lait. Le site est remarquablement bien conservé et comprend plusieurs édifices stupéfiants.

Le Bayon, tout d’abord, date de la fin du XIIème siècle. Il signifie « montagne magique ». Seuls, nous pénétrons dans ce temple unique et surréaliste, constitué de 37  tours énormes (54 à l’origine) sur chacune desquelles sont sculptées 4 visages qui représentent chacun une vertu de Bouddha: la sympathie, la pitié, l’humeur égale et l’égalité. L’ensemble est stupéfiant. Il fait à peine jour, et nous déambulons dans les galeries supérieures en tâtant le sol du pied. L’architecture du lieu est complexe et nous nous perdons dans son labyrinthe de couloirs, d’escaliers, de galeries…  Au centre du sanctuaire, un bouddha est illuminé d’une dizaine de bougies, deux femmes prient: nous n’étions finalement pas tout à fait seuls! La sensation merveilleuse que nous éprouvons alors que nous avons l’endroit rien que pour nous nous fait craindre la visite d’Angkor Wat, que nous ferons en dernier mais qui ne désemplit jamais…

Viennent ensuite la visite du Baphuon, de la terrasse des Éléphants, de la terrasse du Roi Lépreux et du Palais Royal. Tout est beau, tout est magique; le jour s’est levé, donnant un bel éclairage sur les bas reliefs de la terrasse des Éléphants. On ne peut pas détailler chacun des édifices, mais Angkor Thom est riche et bien conservé. Petite anecdote rigolote: les lions de pierre ont une queue amovible qui, à l’époque des temples vivants, était remplacée par des torches enflammées lors des cérémonies… (ils pétaient le feu ces félins!)

Nous découvrons d’autres petits temples au cours de la petite boucle. Puis, c’est au tour du Ta Phrom de nous époustoufler par sa beauté sauvage, par les méandres des racines de fromagers incrustées dans la pierre séculaire. C’est fantastique, merveilleux, effrayant à la fois. Nous marchons sur les traces d’Angelina Jolie et de Lara Croft, l’endroit ayant servi de décor au film Tomb Raider. Lorsque nous y accédons, nous ne sommes que quelques-uns mais au fil du temps qui s’étire entre le bois combattant la pierre, nous sommes peu à peu rejoints par d’autres touristes, puis par deux ou trois groupes… Il est grand temps de filer à l’anglaise! La magie s’étiole à mesure que les gens s’amassent autour des trognes millénaires…

Le temple suivant est en fait un monastère, le Banteay Kdei, où l’on peut découvrir de nombreux bas reliefs représentant des Guerudas, hommes-aigles et de nombreuses Apsaras (danseuses sacrées). Puis c’est au tour du Sras Srang (bassin aux ablutions) qui mesure 800 mètres sur 400 mètres!

Enfin, enfin, le tant attendu Angkor Wat! Notre chauffeur a parfaitement compris que nous fuyons les hordes de touristes (dont nous faisons quand même partie …); il prend l’heureuse initiative de nous déposer auprès de la porte opposée à celle de l’entrée principale, c’est à dire à l’entrée est. Personne ici non plus, ou plus exactement pas grand monde, nous sommes moins d’une quinzaine à remonter cette allée forestière.

Nous arrivons donc à Angkor Wat par l’arrière, directement dans un jardin où se recueillent des bonzes devant des coupelles chargées de fruits. Des singes sont présents et courent dans la pelouse, l’un d’eux dévore une mangue à pleins crocs! Dans les galeries Nord et Est, pas beaucoup de monde non plus: mais où sont les gens, la foule, les appareils photos? Nous ne tardons pas à le savoir en pénétrant dans la cour principale, bondée de monde. En réalité, quand on songe à Angkor, on imagine la végétation dévorant les temples comme à Ta Phrom… mais Angkor Wat est très différent, résolument dénué de végétal, absolument symétrique, parfaitement harmonieux, désespérément touristique… le lever du soleil était ce matin un émerveillement total mais la visite intra muros nous laisse un peu froids, l’émotion rencontrée ailleurs n’arrive pas jusqu’à nous ici, la magie n’opère pas.

Nos coups de cœur de la journée sont incontestablement le Bayon d’Angkor Thom dans la solitude matinale, face aux 216 têtes orientées face aux quatre points cardinaux qui semblent nous dévisager à chaque moment et bien entendu le Ta Phrom, avec la forêt luxuriante et envoûtante qui dévore tout sur son passage, laissant derrière elle des effondrements minéraux recouverts de mousse: surréaliste!

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